Cet été-là, j’étais tombé amoureux de trois garçons différents.
J’avais neuf ans. Nous étions dans le sud de la France avec mes parents. A Tuchan. Dans un village de gîtes.
Ils s’appelaient Alban. Chris. Et Norman.
Voici mes souvenirs d’eux.
Je m’étais d’abord lié d’amitié avec Alban. 15 ans. Belge costaud aux yeux foncés. On passait notre temps dans la salle télé du village de vacances. Je craquais sur son grand frère, Chris.
Un jour. Alban et moi parlions de son frère et des filles avec lesquelles il sortait. Ce qu’ils faisaient et comment il les embrassait. Et nous avons commencé à mimer des baisers.
Assis sur ses genoux. La main sur sa bouche pour que nos lèvres ne se touchent pas. Nous avons imité son frère embrassant les filles qu’il draguait.
Je crois que rien n’avait été plus excitant que ce moment-là.
Et lorsque je me suis relevé. J’ai remarqué qu’Alban était en érection.
Son frère, Chris, lui, devait avoir 20 ans selon mes souvenirs. Il était grand, blond, fin et musclé. Et il avait les yeux bleus.
J’essayais d’attirer son attention constamment. Je crois que je ne me rendais pas compte. J’avais neuf ans. C’était un adulte. Dans quel monde est-ce que je pouvais être une alternative crédible aux superbes filles avec lesquelles il sortait ?
C’était absurde.
Et c’est arrivé. Il était assis au bord de la piscine. Et je l’ai poussé dans l’eau. Je ne sais pas ce qui m’a fait penser que c’était le plan idéal pour qu’il finisse par tomber amoureux de moi. Mais évidemment ça ne l’a pas été.
Lorsqu’il a sorti sa tête de l’eau, il a hurlé un « sale gosse » en rigolant.
Et pour la première fois de ma vie, on m’avait remis à ma place. Quelqu’un avait mis mon moi-intérieur face à mon moi-physique.
Je n’étais qu’un gamin.
Norman avait 17 ans. Il était sourd et muet. Sa soeur avait flirté avec Chris. On écrivait ce que l’on voulait se dire sur des bouts de papiers. Je crois que c’est à cause de Norman si je suis fasciné par la langue des signes et surtout si je craque pour chaque personne que je vois signer.
Je me souviens du matin où Norman et sa famille sont partis. Assis dans la voiture de ses parents, Norman a pleuré en me disant au revoir.
Je crois que, si je devais retourner dans le passé, je retirerais ma main de la bouche d’Alban pour que nos lèvres se touchent. Je ne pousserais pas Chris dans l’eau. Et je garderais le contact avec Norman de façon à pouvoir le revoir par la suite.
Mais il n’y a pas de retour en arrière possible. Et chaque été. J’ai craqué pour de nouveaux garçons en vacances. Je me rappelle du nom de la plupart d’entre eux.
Se souviennent-ils de moi ?
Regrettent-ils aussi de ne pas m’avoir embrassé ?