Mélancolie Apocalypse

Mélancolie Apocalypse

Celui dont on ne se rappelait jamais de l’anniversaire.

C’est une histoire assez triste. Qui survient chaque année. Le même jour. Le 2 décembre.

J’attends les messages mais ils n’arrivent pas. La journée passe et la déception s’accroit. Et à 23h59. Alors qu’il ne reste plus qu’une minute. Je pense à ceux qui m’ont oublié. Je perds tout espoir et file me coucher.

Cela fait maintenant longtemps que je n’aime plus cette journée.

Parce que les absents éclipsent toujours les présents. Parce que cela m’attriste tous les ans. Parce que plus je vieillis et plus j’ai honte d’y faire attention.

Ce n’est pas l’histoire d’un petit garçon qui voudrait qu’on le célèbre. C’est celle d’un adulte qui ne voulait pas qu’on l’oublie.

Je m’étais pourtant promis de ne pas me laisser happer cette année. Mais c’était pareil l’an dernier. Et l’année d’avant…

Je dois vraiment être une personne en carton.

J’ignore ce qui cloche chez moi. Je pense sincèrement être quelqu’un de bien. Au moins assez bien pour que l’on me souhaite mon anniversaire. Que l’on note la date quelque part. Que l’on se fixe un rappel dans son téléphone.

Pourquoi et comment est-ce que moi j’arrive à me souvenir de toutes les dates ?

J’ai toujours l’impression d’être un extra-terrestre, d’avoir manqué quelque chose, d’avoir mal fait ou pas assez. Ou tout simplement de ne pas mériter.

Comme je m’étais vraiment rendu malade les deux dernières années, j’ai voulu être irréprochable cette fois. Je l’ai souhaité à tout le monde. Ils et Elles ont toutes eu leur message. Tous. Les proches. Les moins proches. Les virtuels que j’apprécie. Les ex-amis et les ex-amoureux qui ne m’ont pas ghosté. Regarde ton téléphone et trouve le message que je t’ai envoyé.

Je m’étais dit qu’en étant irréprochable, on ne m’oublierait pas. Que cette année enfin j’aurais ce putain de message à la con qui signifie apparemment tellement pour moi sans que je comprenne réellement pourquoi.

Ma Mère, mes deux frères, leurs femmes, mes deux nièces d’amour, mon Mari, mes quatre meilleures amies, mes deux meilleurs amis, mes deux chéris suisses, deux ex-collègues, deux amies perdues de vue et un garçon du volley que je connais depuis deux mois et que j’ai vu en tout et pour tout 5 fois. Ils me l’ont tous souhaité.

Je devrais être heureux.

Mais si vous saviez le monde qu’il manque. Quand tu fais le compte pendant la dernière minute. À 23h59, le 2 décembre et que tu as l’impression qu’un univers t’a oublié.

Ou rayé ?

J’ai fait comme si de rien était. Et je me suis couché. Mais je n’arrivais pas à dormir. La tristesse mêlée à cette énorme frustration de ne pas comprendre pourquoi.

C’est Kévin Bacon qui m’a convaincu de poster mes photos d’anniversaire sur Instagram. Je ne voulais pas rappeler aux gens qu’ils m’avaient oublié, cette année encore. Seulement. Voir tous ces messages affluer deux jours après. Deux jours trop tard. M’a fait plus de mal que de bien.

Il fallait donc qu’une nouvelle fois ce soit moi qui hurle à l’univers que c’était mon anniversaire.

J’ai répondu aux messages avec de jolis smileys alors que j’avais simplement envie de désactiver mon compte et de disparaître. À nouveau. Comme je l’avais fait en 2009.

Oslo Ohara, all over again.

Depuis plusieurs jours. Je sens la rouille se propager. La corrosion. Je n’arrive pas à évacuer cette amertume. Ça me ronge. Mais je ne dois rien laisser paraître. Et si j’écris tout cela ici, sur ce blog bien caché, c’est parce que j’avais besoin de le sortir. Et donc ça ne t’est pas réellement destiné.

Quoi qu’il arrive. Je ferai comme si de rien était.

C’est notre petit secret.

Les Garçons, Mélancolie Apocalypse

The Kill.

Janvier s’achève déjà.

La fin d’année m’a laissé face à tous mes souvenirs. Mon défi memecember m’a imposé de puiser au fond de moi et à ressortir des choses que je pensais avoir réussi à archiver.

Mais. Tout est toujours présent. Tout est toujours le Présent. Pour mon hypermnésie et moi.

Comme les Garçons me manquaient, j’ai fait un pas vers ceux que je n’avais pas encore pu récupérer. Mais après plusieurs semaines, je crois pouvoir dire que leurs silences m’ont bien remis à ma place.

Il y a peu de chances maintenant qu’ils réagissent. Pour moi c’était hier. Pour eux c’était en 2010.

Et nous sommes en 2021. Et je ne suis plus personne.

« Et je suis comme ce chien qui vous suit dans la nuit grâce à l’odeur de vos parfums.« 

***

À la première écoute, j’ai su que The Kill de Jessie Ware deviendrait l’une de mes chansons préférées. Son album « What’s your pleasure » est la merveille de 2020. Et la chute de mon billet vient de cette partie des paroles.

What I don’t understand is why I’m here on my own.
We were only just talking in the silence of your home.
I know you better than yourself, honey, only I know.
I follow you through the night like a dog with the scent of your cologne.

Mélancolie Apocalypse

M16 – Je suis mon propre fantôme hantant les souvenirs que j’aime le plus.

Ce meme-ci reflète parfaitement mon hypermnésie. Je suis ce fantôme qui hante sans cesse ses souvenirs. Souvent les mêmes. Pas toujours ceux que j’aime le plus néanmoins.

J’ai un souvenir particulier avec chacun de vous. Que je revisite fréquemment. Quand au gré d’une association hasardeuse, l’hypermnésie le fait ressurgir.

Si un jour nous nous croisions. Pose-moi la question.

Quel souvenir de nous deux revisites-tu le plus souvent ? Et laisse-toi guider par ces détails que tu auras oubliés mais qui continuent de me hanter.

Et si tu m’aimes. Trouve pour moi un souvenir que je n’aurais pas sauvegardé. Et raconte-le moi.

J’aimerais tellement me voir à travers tes souvenirs.

Les Garçons, Mélancolie Apocalypse

M15 – J’aurais dû t’enlacer plus fort encore la dernière fois où je t’ai vu.

Lorsque je suis tombé sur celui-ci. J’ai tout de suite pensé à Ekkooo.

J’avais rencontré Ekkooo en Décembre 2007 autour d’un chocolat chaud. Et j’avais craqué sur lui. Je n’y pouvais absolument rien. Son odeur, sa peau, ses cheveux blonds. J’avais l’impression que mon corps l’appelait constamment. Comme un aimant.

Chaque fois que je le voyais. Il fallait que je le touche. Qu’il m’enlace. J’avais l’impression de n’avoir jamais assez de ses accolades. Ça ne me suffisait pas. J’avais besoin de complètement disparaître, me fondre dans ses bras.

Et c’était possible. Il était grand et massif.

Mais j’étais intouchable. C’était tout le monde sauf moi. Surtout pas moi. Une sorte de constante dans ma vie amoureuse qui allait finir par me faire me sentir non désirable et invisible.

Cette voix à l’intérieur de moi qui voulait leur hurler REGARDEZ-MOI m’a finalement rongé de l’intérieur. Et peu à peu, je suis devenu un monstre avec les Garçons. Que j’allais finir par épuiser deux ans plus tard.

En Juillet 2009, sentant venir une dernière confrontation qui serait pénible. Ekkooo s’était désisté à la dernière minute. Avant de lâcher ce tweet.

Ekkooo : est à Madrid pour m’amuser avec des amis de plusieurs années qui ne me jartent pas pour un oui ou pour un non

C’était fini. Et je ne l’ai pas revu pendant deux ans.

En Septembre 2012, il est entré dans ce restau japonais qu’il m’avait fait découvrir. J’y étais avec des amies. C’était une véritable coïncidence. Je me suis levé. On s’est salué poliment. Puis je me suis rassis.

Avant de brusquement me relever à nouveau pour l’enlacer.

Je n’avais pas pu me contrôler. C’était la mémoire du corps. Du mien. Et une fois cette impulsion contrôlée, je l’avais lâché.

Et même si cela n’a duré que quelques secondes, j’avais tout de suite regretté de n’avoir pas su me contenir.

Après cela, chacun sa table. Et chacun sa vie.

Cela fait huit ans maintenant que je ne l’ai pas revu. J’ai plusieurs fois eu envie de faire un pas pour le retrouver. Avant de toujours m’en empêcher.

Il me manque. Et je me dis très souvent que j’aurais dû l’enlacer plus fort encore la dernière fois où je l’ai vu.

Le Garçon aux Pieds Nus, Mélancolie Apocalypse

M11 – c’est épouvantable d’être celui qui se souvient.

J’en parle assez souvent. Je souffre d’hypermnésie.

Je l’ai longtemps perçue comme un don. Mon petit plus. Mon petit pouvoir magique. Qui me permettait de me souvenir à l’infini de détails précis mais aussi parfois quelconques.

Le plus souvent des souvenirs personnels. Des odeurs. Des couleurs. Des dates. Des paroles. Des gestes. Des sensations. Des moments-clés. Des plus embarrassants. Des anodins. Des dérisoires.

Des éléments que tout le monde aurait oublié sauf moi.

Parce que je ne le peux pas. Parce que je n’ai pas la possibilité de sélectionner ce que je souhaiterais « sauvegarder ». Une sorte d’habilité incontrôlée.

C’est épouvantable d’être celui qui se souvient.

On est coincé dans le passé. Perdu dans ses souvenirs. Les pages ne sont jamais tournées. Elles subsistent. Pas un seul jour ne passe sans que l’on ait en mémoire un événement, un lieu, une personne. On est toujours en train de compiler des données révolues.

Compiler. Emmagasiner. Collecter. Sans cesse. Et chaque fois qu’un souvenir ressort. Très souvent de façon inopportune. Le ré-analyser encore et encore.

Et quand cela arrive, je suis persuadé que les gens voient sur ma figure la même roue arc-en-ciel qui apparaît sur l’écran de mon Mac quand il rame.

Et c’est souvent tellement absurde. Et ça bouffe de la place pour rien. Et ça fait mal à la tête.

Ce n’est pas juste d’être celui qui se souvient quand l’Autre peut oublier. Je peux revoir chaque rupture. Mais eux, se souviennent-ils seulement de mon visage, de m’avoir connu ?

C’est la raison pour laquelle je dis que souffre d’Hypermnésie et non que j’en suis doté.

Mais j’ai appris à vivre avec. Et paradoxalement, je serais effrayé à l’idée d’en être dépourvu. C’est à Moi. C’est Moi.

Lorsque je regarde mon Père perdre ses souvenirs les plus précieux chaque jour. Je redoute le jour où je perdrai les miens moi aussi. Et si jamais je devais à mon tour être atteint d’Alzheimer, est-ce que ce serait encore plus grave chez moi qui suis hypermnésique ? Est-ce que je les perdrais plus rapidement ?

Bloguer devait me permettre de me libérer un peu l’esprit en évacuant mes souvenirs et en les mettant en forme pour que je puisse les classer et les archiver. Mais avec le temps, je crois que bloguer m’a avant tout permis de les mettre en sécurité. Pour les jours où je n’y aurai plus accès.

C’est effrayant d’être celui qui se souvient. On a accès à un musée rempli de souvenirs qu’on est maintenant le seul à posséder. Pour se remémorer sans cesse des personnes qui nous ont, elles, potentiellement oublié.

Les Garçons, Mélancolie Apocalypse

M08 – Cela fait mal, jusqu’à ce que cela s’arrête.

S’il n’y avait qu’un conseil. Qu’une formule magique à retenir. Pour se remettre d’une rupture. Je dirais que c’est bien celle-ci.

Cela fait mal jusqu’à ce que cela s’arrête (de faire mal).

Mais comme pour tout. C’est malheureusement l’expérience qui permet de l’apprendre. Au préalable, il faudra donc bien morfler une ou deux fois. Voire plus.

Comme j’ai appris à enfouir mes émotions au fin fond de mon corps, mon coeur brisé à moi me faisait mal… à l’estomac. Et j’ai fini par l’appeler Ulrich. Il avait été jusqu’à me faire perdre 8 kilos en pratiquement deux semaines juste après Jolies Lèvres, tout en m’obligeant à manger sans cesse pour ne pas avoir mal.

J’ai compris plus tard que moi je ne développais pas un Coeur brisé mais un Ulcère.

Un jour. Tout en me jetant sur un carré de kiri pour faire taire Ulrich – le kiri ça soigne tout. Je me suis dit qu’il fallait que j’accepte la situation. Je m’étais fait larguer. C’était normal d’avoir mal.

Et, à partir de ce moment-là, dès que je sentais monter la tristesse, je disais haut et fort « J’accepte ! ».

C’est devenu ma formule. J’accepte.

J’ai alors commencé à la prêcher ça et là. Mais j’oubliais une chose. On aime avoir mal. Gratter sa croute. Se lamenter. Et par moments, avoir des comportements borderline.

Et à chaque fois, on m’a répondu la même chose. « J’ai besoin de bien me ramasser pour aller mieux » ou « non mais moi je dois toujours passer par une spirale d’auto-destruction pour me remettre ».

Alors je me suis dit qu’il était peut-être inévitable de souffrir. Et je me suis demandé.

Après une rupture, doit-on souffrir autant que l’on a été heureux pour rééquilibrer la balance cosmique de l’Amour ? Et sur la grande horloge du coeur en miettes, un jour de bonheur avec Lui deviendra combien de jours de tristesse après Lui ?

Y a-t-il seulement un timing universel… Je ne le pense pas. Cela fait mal jusqu’à ce que cela s’arrête. C’est certainement le parfait mantra.

Une véritable leçon de vie.
Faîtes passer le message.