Le Garçon Stellaire

Mascara for Masc

Moon Pride.

Il y a vingt ans, je faisais ma première Marche des Fiertés, la Gay Pride à l’époque.

2002. On s’était retrouvé avec les Filles et on avait défilé ensemble. Je portais un gilet à capuche blanc très léger. Hommage affiché à Kylie Minogue et sa tenue dans Can’t get you out of my head. J’avais 19 ans. Je devais faire 50kgs. J’étais une brindille-twink complètement myope.

Je me sentais bien. Entouré de toutes ces personnes comme moi. Dans une atmosphère libérée et libératrice.

Vers 17h, les Filles sont rentrées. Et je me suis retrouvé seul au milieu de la foule. Je n’avais pas envie de partir. J’aurais aimé que ça ne s’arrête jamais.

Je ne voulais pas rebasculer dans le monde hétéro.

Alors, à Bastille, je me suis assis sur les marches de l’Opéra et j’observais. Je rêvais de me mêler à la foule. Je voulais tant faire partie de ce monde. Mais je ne connaissais personne. J’étais le seul gay que je connaissais. Et j’étais bien trop timide.

Ma première Marche des Fiertés avait eu ce goût doux-amer.

2022. Kévin Bacon et moi avons retrouvé un de mes amis à Michel Bizot après mille péripéties. Accident de vernis à ongles – il faut impérativement apprendre aux garçons à se maquiller !, et métro en panne… J’ai cru que nous n’arriverions jamais.

J’ai mis un tutu blanc, un T-shirt de Sailor Moon et du vernis à ongles aux couleurs du drapeau trans. J’ai maintenant 39 ans. Je suis un Daddy et toujours une Magical Girl.

Mais surtout. Aujourd’hui. Je ne suis plus le seul gay que je connais.

Nous sommes vingt ans après. J’ai croisé des amis, des jolis garçons de twitter et mes potes du volley. Et j’ai fini la soirée au Quetzal comme l’an dernier, entouré de mes amis et de tous ces gens comme moi.

Je fais maintenant partie de la foule .

Le Garçon Stellaire, Mascara for Masc

Le rituel du mois des Fiertés.

Se poser en terrasse. Et faire tourner des têtes. Se faire draguer par un gars qui passait son chemin. Être maté par ce crâne rasé qui est deux tables plus loin. Voir les serveurs être tout sourire avec vous et vous lâcher des clins d’oeil. Se voir demander dix euros juste pour aller aux toilettes par un garçon qui voulait juste entamer la conversation avec vous. Des regards. Des gentilles attentions. Des messages privés sur Twitter pour me dire que l’on m’a aperçu et m’écrire des gentillesses.

C’était une belle journée. J’ai bu une bière et quatre cocas. Mon short n’avait jamais été aussi court. Et j’ai offert un sourire à tout le monde.

J’ai répété ce petit rituel quasiment tous les jours sur les deux premières semaines de Juin pour profiter du beau temps. Et me poser là où flottent les drapeaux arc-en-ciel.

Pour moi, deux fois par an, mes communautés m’appellent et je ressens le besoin de m’y fondre. Le Ramadan puis le Mois des Fiertés. Comme deux rendez-vous à ne pas manquer. Pour pouvoir faire partie d’un Grand Tout.

De recharger mes batteries avec les miens pour me permettre d’être qui je suis le reste de l’année.

Il me reste encore quelques jours.
Et qui sait, peut-être même que j’en profiterai tout l’été.

Je ne suis pas obligé de retourner hiberner/hiverner tout de suite.

Kévin Bacon, Pretanama

Un Croyant qui jeûne.

Cette année, pendant le Ramadan, j’ai fait le coursier entre ma Mère et Kévin Bacon*. Elle nous préparait de la Charba et ou des bricks. Et je nous apportais le tout à vélo les soirs où je cassais mon jeûne chez Lui.

Douze ans. Cela fait maintenant douze ans que nous sommes ensemble. Et si je ne sais pas ce que nous réserve précisément l’avenir. Je sais une chose. Ce Garçon a été fait pour moi.

C’est ce que je me suis encore dit, lorsqu’il m’a acheté cette grosse boîte de dattes. Et lorsqu’il m’a laissé dormir plus longtemps que d’habitude – parce que le Ramadan influe de plusieurs façons sur le sommeil. C’est ce que j’ai pensé aussi quand il a veillé à ce que je ne manque de rien le soir. Et quand, alors qu’il avait faim, il a patiemment attendu l’heure pour moi de manger pour que l’on puisse le faire ensemble.

C’est surtout ce que j’ai ressenti quand je me suis souvenu qu’avec les deux précédents je n’avais pas jeûné. Parce qu’à l’époque, je m’étais retrouvé dans une situation où je n’arrivais pas à concilier les deux. Cela ne venait pas d’eux. Mais j’étais perdu parce que je ne savais pas qui je pouvais être exactement.

Lorsque ma copine S. s’est mariée. Je lui avais posé la question.

Juive, elle n’avait fréquenté que des garçons juifs. Elle n’avait connu rien d’autre. Pourquoi ?

Elle m’avait répondu qu’elle avait voulu rencontrer quelqu’un qui la comprenne. Entièrement. Une personne avec qui elle n’aurait pas l’impression d’imposer quelque chose. Où tout serait simple, notamment la religion, parce qu’ils partageraient les mêmes choses. Point de discorde ni de divergence.

J’avais compris ce qu’elle avait désiré. Je n’étais sorti qu’avec des garçons athées et blancs. Des garçons avec lesquels je n’avais pas pu/réussi à être entièrement moi.

Et j’ai réalisé, qu’il y a quelques années quand je m’étais senti perdu, c’était parce que j’avais gommé sans cesse qui j’étais pour me fondre dans des couples (et groupes) dans lesquels quoi qu’il arrive j’étais perçu comme différent. Et sans réellement savoir ce que mes ex pouvaient en penser, j’avais eu si peur de « m’imposer » que j’avais renoncé.

Kévin Bacon m’a permis d’être qui je suis, de poser toutes mes facettes sur la table et de dire. Tout cela. C’est moi. Je ne m’impose pas. C’est juste qui je suis. Un Croyant qui jeûne.

* Ramadan et Bacon dans la même phrase. Cocasse.

Pretanama

iwak #23 – déchirure, déchiré.

Après chaque attentat terroriste. J’ai cette boule au ventre. J’ai mal.

Tout à coup, tous les regards se braquent sur vous. Vous devenez Complice. On vous impose de réagir. De vous indigner. Et on vous ordonne de vous désolidariser de la Barbarie.

Parce que vous êtes Croyant. Et parce que cet attentat a été commis au nom de votre Religion.

Seulement ils oublient. Avant même d’être croyant. Vous êtes une personne. Et comme tout le monde vous découvrez l’Horreur. Vous êtes choqué. Mais on vous demande de vite réagir, de vite prendre position sans quoi vous serez une mauvaise personne.

Les réseaux sociaux s’embrasent. Personne ne vous laisse le temps d’appréhender ce qu’il s’est passé.

Quelqu’un s’est fait décapité.

On demande à ce que les Musulmans se désolidarisent de cet acte. Votre coeur s’arrête devant l’écran. Il y a dans le fait de demander à se désolidariser quelque chose qui signifie que l’on vous pense complice, que naturellement et sans l’exprimer vous auriez cautionné l’Horreur.

Parce que vous avez UNE similitude avec le terroriste. Tous deux vous dites musulmans. Comme si vous aviez adhéré aux mêmes principes, aviez reçu la même éducation, étiez la même personne. Comme si une Religion n’était pas libre d’interprétations, comme si elle entrait en vous et vous vidait complètement du reste de votre personnalité.

Vous êtes l’amalgame de plusieurs sensibilités, d’expériences, de croyances. Mais aujourd’hui, quelqu’un ne vous voit plus que d’une seule couleur. Vous n’êtes rien d’autre qu’un musulman.

Vous êtes un Croyant. Musulman. Et si vous n’avez pas fini de digérer l’information, on s’en fout. Vous étiez choqué par l’Horreur et maintenant vous êtes accusé d’être du côté des coupables.

Lorsque vous envisagez de réagir, vous devez faire extrêmement attention.

Si vous le faites, on vous lapidera. Parce que vous n’êtes pas légitime. Parce que vous être un croyant comme le terroriste. Ou parce que vous votez à Gauche et que votre « Islamo-Gauchisme » a été jugé comme responsable de ce qui arrive. Ou parce qu’en affirmant votre indignation, vous insistez sur le fait de ne pas mélanger « Croyants » et « Terroristes ». Vous entendrez que l’heure n’est pas aux « Mais », « on ne peut plus séparer, être pacifique ».

Si vous ne réagissez pas, on vous lapidera. Parce que vous n’avez pas réagi. Ce qui ne peut signifier qu’une chose.

Vous cautionnez.

La vérité. Je ne suis pas le seul à la vivre. C’est que lorsque cela se produit. Vous vous cachez. Parce que ce n’est malheureusement pas le premier attentat. Parce que vous savez comment cela va vous revenir en pleine face. Parce que vous savez que vous allez lire, entendre, voir, mille choses qui vont vous briser le coeur, vous faire mal.

Vous vous dites que vous devrez l’accepter. Parce que tout le monde dit que c’est de votre faute. Parce que quelqu’un est mort. Vous savez que c’est mal. Vous hurlez que c’est mal. Alors vous composez avec ce qui se dit, s’écrit. Vous bouffez tout en espérant que cela se finisse rapidement.

Vous lisez que les croyants sont des débiles. Qu’ils sont restés au Moyen-Âge. Qu’ils font chier avec les religions…

Mais pour vous c’est encore pire. Vous êtes un traitre à votre cause. Parce que vous êtes LGBT. Alors on vous fait encore plus mal.

On vous dit alors que vous n’avez qu’à aller « là-bas », là où vous serez balancé d’un toit pour ce que vous êtes.

Vous êtes déchiré. Parce que si les Croyants ne vous acceptent pas pour ce que vous êtes. Ces LGBT qui vous font la morale, non plus.

Vous avez beau être une synthèse parfaite de Spiritualité et de Sensibilité. Avoir su embrasser les deux. Le vivre en toute quiétude. Vous devrez toujours combattre de chaque côté chaque fois qu’une personne s’attaquera de manière extrême à ce qui vous compose.

Parce que certains ne vous veulent que sur un front. Le leur. Vous êtes violet. Mais les Bleus ne vous veulent que Bleu et les Rouges, que Rouge.

En attendant, depuis que c’est arrivé. Votre Timeline Twitter est devenue votre pire ennemie. Vous trouvez des renforts mais tout fait tellement mal que vous n’osez plus l’ouvrir. Votre timeline comme votre bouche.

Alors vous vous tenez éloigné en attendant que ça passe. La boule au ventre.

Pour l’Horreur.
Pour le climat actuel.
Pour vous.

Journal de Bord Éternel, Pretanama

iwak #18 – piège.

J’ai trouvé très intéressant le billet « piège » de Matoo.

Pour ma part, je me suis toujours empêché de devenir réellement public. Oui, il est possible de savoir qui je suis et de trouver à quoi je ressemble. Mais pour cela, il faut chercher un (petit) peu.

Par deux fois, j’ai été découvert au travail. C’est arrivé dans deux entreprises différentes pour deux ancêtres de ce blog différents et ça n’a eu aucune conséquence importante. Malgré tout, je préfère ce côté « anonyme » et mystérieux.

Je pense qu’il faut faire des erreurs lorsque l’on se sert d’outils pour apprendre à mieux s’en servir. Je considère que j’ai fait beaucoup d’erreurs avec mon blog mais aussi avec les réseaux sociaux. Ce qui me permet aujourd’hui d’en profiter plus sereinement/sainement.

Ce n’est toujours pas parfait mais j’y travaille.

Mon premier piège ici a été de m’enfermer dans un registre qui n’était pas moi. C’était au tout début de ce blog. Le côté très sexuel et cru m’a toujours gêné et me gêne encore. Je sais que j’évacuais une sorte de frustration, un manque d’affection. Mais ce n’était pas réellement moi. C’était un personnage.

Personnage vite démasqué d’ailleurs puisque très vite j’ai laissé paraître ma véritable sensibilité et douceur.

Aujourd’hui, je peux dire que ce que j’écris est qui je suis. C’est pourquoi mes premières archives sont fermées. Elles ne collent pas/plus avec moi.

Le deuxième piège a été de faire passer des messages privés à travers mes billets et/ou d’écrire sous le coup de l’émotion. A la belle époque, j’écrivais pratiquement tous les deux jours. Je réagissais à chaud à ce qui m’arrivait et le fait d’être lus par ceux-là même qui partageaient ma vie alimentait mon côté dramaqueen.

J’attaquais publiquement. C’est quelque chose que je regrette aujourd’hui. Cela avait transformé mon blog en une espèce d’arme dangereuse à double tranchant. Je les blessais et je me blessais.

Il y a encore quelques messages privés qui se glissent aujourd’hui dans mes billets. Mais ils sont bienveillants. Ce sont souvent des mains tendues aux personnes que j’ai perdues justement en me servant de mon blog comme d’une arme.

Le troisième piège c’était le côté lamentation. Une rupture c’est dur. Mais puiser dedans pour écrire je ne sais pas si c’était judicieux. J’ai l’impression que cela a fait durer plus qu’il ne faut l’éventuel processus de guérison et d’oubli.

Peut-être que c’est simplement moi qui ait changé et qui ne me lamente plus. Mais j’ai l’impression qu’auparavant écrire engendrait une espèce de cercle vicieux de lamentations et que ça n’en finissait pas.

J’écris moins aujourd’hui. Et quand j’ai l’impression que ce que j’écris est trop personnel je ne le publie pas.

Comme Matoo, je ne réagissais pas non plus à chaud sur les réseaux sociaux et j’essayais d’être neutre. Je ne souhaitais me fâcher avec personne. Je considérais que je n’étais pas là pour cela.

Il n’y a pas de débat possible sur Twitter. Juste des égos qui hurlent. Alors je me tenais à distance des cris.

Mais à trop vouloir ne pas faire de vague, on ouvre un jour son twitter et sa timeline est pleine de gens qu’on ne connaît pas qui hurlent que les Musulmans sont le problème en France, que les Religions sont de la merde et que tous ceux qui luttent contre le Racisme sont responsables de la mort atroce et monstrueuse d’un professeur faisant son travail.

Et je suis là, face à mon écran m’insultant et me condamnant, depuis une semaine*.

Avec ce putain de mal au ventre.

Piégé.

*ce billet a été finalisé le 22.10.20.

Atlas des Idylles, Mascara for Masc, Psithurisme Nostalgique

iwak #15 – avant-poste.

C’est LE point de rendez-vous. Tout gay parisien et même francilien connaît cet endroit. Nous nous y sommes tous arrêtés. Nous y avons tous attendu quelqu’un.

La Place Sainte-Opportune. L’avant-poste pédé.

L’endroit idéal pour attendre quelqu’un avec qui on a l’intention d’aller dans le Marais.

J’y attendais constamment Olivier. Il était toujours en retard.

Une fois, je l’avais attendu pratiquement 45 minutes. Il me disait être dans le métro, à quelques stations de là. Mais il était toujours chez lui. Il avait fini par arriver avec une boite de chocolats pour se faire pardonner. Et à cette époque, c’était suffisant pour me calmer. C’était en 2004.

J’y avais retrouvé Jolies Lèvres. En Juin 2008. Pour notre premier vrai date. Je l’avais rencontré la veille à une soirée et nous avions passé la nuit ensemble. Ce que je n’avais alors jamais fait. Seulement ce dimanche-là, j’avais aussi un premier date de prévu avec un autre garçon. Alors je l’avais laissé pour m’y rendre.

Comme je n’arrivais pas à m’arracher Jolies Lèvres de la tête, je l’ai contacté discrètement pendant mon rendez-vous en le textotant sous la table. Je voulais savoir s’il était disponible là, maintenant, tout de suite.

J’ai écourté mon rendez-vous et l’ai rejoint Place Sainte-Opportune où il m’a alors naturellement embrassé. Comme si c’était acté. Comme si nous avions toujours été ensemble. Je n’oublierai jamais cet instant.

En Juillet 2009. C’est à cet endroit-même que nous nous sommes dit au revoir avec Atypik. Sans réaliser qu’il s’agissait d’adieux et que nous ne nous reverrions plus.

J’étais venu « rompre » avec lui comme j’avais rompu avec les Garçons du groupe. J’étais injuste. Blessé par ma rupture avec Jolies Lèvres et par leur manque de soutien.

Cet après-midi-là, j’ai réalisé que je n’étais personne et que j’avais souhaité rompre quelque chose qui n’existait pas. Alors, à la fin de cet après-midi, face à son copain, je lui ai juste dit au revoir.

Et je ne l’ai plus jamais revu.

Des ruptures ? La Place Sainte-Opportune a du en connaître autant que des rencards.

C’est pour moi un endroit très marqué en souvenirs. Et avant d’être l’avant-poste pédé, elle est aussi et surtout l’Avant-Poste de mes rendez-vous de coeur, qu’ils soient joyeux ou plus tristes.

J’y vais maintenant plus rarement. Mes habitudes ont changé et Kévin Bacon et moi avons d’autres points de rendez-vous.

Mais on s’y retrouve parfois. Et je dois admettre qu’arriver sur cette Place et voir son magnifique copain vous attendre, c’est toujours un peu romantique.