Je vois le dimanche comme une journée. D’intérieur. Où l’on aurait même pas à sortir du lit. La parfaite journée au chaud. Les jambes entrelacées. Nos mains se baladant. Mes pieds froids – ses pieds chauds. Petite et grande cuillère. A tour de rôle. Devant une série et un film. Et des snacks. Rien d’élaboré. Du gras – du sucre.
Et où chaque fois que l’on serait d’humeur. Au moins une fois par heure… On irait se faire du bien et un peu de ce mal qui fait du bien.
On pourrait se chercher. Se masser. Juste se frotter. Y aller franco. S’allumer. Ou se monter en l’air.
On pourrait se réveiller. De cette troisième sieste. Et avoir envie de se mélanger. De se dégourdir.
On pourrait se regarder tout de suite après. Et se dire « encore ». Ou terminer cet épisode puis se dire « encore ». Ou terminer cet épisode pendant le « encore ».
On pourrait ne rien se dire. Et céder sur une pulsion. Parce qu’on la sent pointer. L’autre. Ou la pulsion.
On pourrait se fatiguer. Pour évacuer. Se relâcher. Se détendre. Et reprendre.
On pourrait parce que c’est dimanche. Et que les dimanches sont faits pour être passés au lit. A baiser toute la journée.
Il m’arrive très souvent de m’arrêter. Un instant. Et de le regarder.
Il est généralement très gêné. Me demande ce qu’il se passe. Et roule ses yeux vers le ciel quand je lui dis que je l’aime à la folie.
Voyez-vous. Cela fait maintenant onze ans que je sors avec un garçon qui n’a pas conscience de qui il est. De comment je le perçois. Et de comment il me rend dingue.
Parce que je pourrais L’observer une toute petite minute. Et trouver mille choses que j’aime chez Lui.
Il y a quelque chose que j’aime dans mon histoire d’amour avec Kévin Bacon. C’est la façon dont nous avons mutuellement changé au contact de l’Autre. Et comment nous avons évolué. Ensemble.
Je n’aime pas utiliser l’expression « déteindre sur quelqu’un » parce qu’elle implique selon moi que c’est négatif. Je ne saute pas, particulièrement, de joie lorsqu’un vêtement déteint sur un autre, par exemple.
Je n’ai pas l’impression d’avoir déteint sur lui. Comme s’il devenait comme moi et moi comme lui. J’ai plus le sentiment que nous avons évolué. Chacun. En s’accentuant de l’Autre. En étant encouragé par l’Autre. Sur un chemin qui nous était propre.
Il m’est arrivé de voir comment la vie de couple avait complètement transformé des amis. Comment certains de leurs traits, que l’on retrouvait aussi chez l’Autre, avaient été exacerbés. Un peu à la manière de gènes dominants qui serait passés, à travers la Relation, à l’Autre.
Comme s’il y avait une forme d’hérédité dans nos couples.
Je pense être le même. En mieux. Imprégné de onze années de ses nuances à Lui. Ses accents. Par influence réciproque. Osmose. Et c’est le type d’Amour avec un grand A qui me sied. Ce parfum que nous formons ensemble et que je porte.
Est-ce que c’est bizarre de se dire que l’on a le même âge que des gens vieux ? Ou est ce que c’est normal de penser que je suis plus jeune, tout en ayant le même âge que des gens vieux ?
Même si la photo prise en Septembre sur la colonne à gauche me montre sous mon meilleur jour; mon corps a morflé. Mes cheveux ont péri. Et ma barbe s’est parée de blanc. Mais j’accepte cette évolution.
Vieillir physiquement ne m’ennuie pas. Je n’avais jamais réellement compté sur mon physique de toute façon. Remerciements : les gens qui ont passé mon adolescence à dire à mes frères qu’ils étaient beaux et moi, « gentil ».
Non moi, j’avais juste peur de devoir perdre avec l’âge mon côté loufoque et gamin. Je voyais cela comme une issue inévitable.
Vieillir cela signifiait être sérieux et responsable. Gris.
A mon âge. Mon Père était déjà marié. Il avait même déjà plusieurs enfants – je suis issu d’un second mariage quelques années plus tard dans sa vie. C’était un adulte avec un travail. Il portait un costume du lundi au vendredi. Il conduisait. Il était moustachu-Magnum, cheveux impeccables. Barbe rasée de près tous les matins.
Pas une magical girl qui se saoule au coca, quoi, et qui n’attend qu’une chose : que le Tango rouvre pour aller danser.
Mais je ne souffre pas de cette comparaison. J’aime cela. Je suis suffisamment vieux de corps et d’esprit pour être serein dans ma vie. Et suffisamment jeune de bêtises et délires pour continuer à m’amuser. Serait-ce cela le stade daddy ?
Bon, je sais quand même qu’il me faudra quatre jours à me remettre d’une nuit blanche au Tango, que j’y croiserai des jeunes qui auraient pu être mes enfants et que là-bas je ne connaîtrai même pas un cinquième des chansons qui passeront, mais je suis prêt !
Le 02 Décembre. C’est mon anniversaire. Et ce que j’aime, c’est me réserver cette journée à moi uniquement.
En temps normal, je me serais mis de repos aujourd’hui car je déteste y travailler. Là je n’en ai pas eu besoin puisque Covid-sama a décidé que je n’avais plus de travail.
Mon programme était toujours le même. Ne rien faire. Rester en pyjama devant de vieilles séries. A manger du chocolat et à boire du coca.
Alors oui, rien de bien sexy. J’étais dans un pyjama en pilou-pilou, sous deux plaids et sans couronne. A l’opposé même de la définition du sexy. J’ai dû boire un litre de coca, du thé et finir une baguette de pain avec du kiri. Et je n’avais même pas de chocolat.
Comme toujours, aucun réseau social ne rappelle mon anniversaire. Alors, j’ai reçu très peu de messages et d’appels hormis ma famille, mes ami.es très proches, quelques ex-collègues et bien sûr Kévin Bacon.
Il fut un temps où cela avait une importance. Recevoir une tonne de messages. Et espérer en recevoir de qui vous savez. Les Garçons du passé. Mais après des années à être oublié – sans pathos aucun, je crois que je m’y suis habitué.
Je sais que pendant quelques heures je vais me dire que plus jamais je ne leur souhaiterai le leur mais le jour-même, je le ferai encore et toujours. Parce que c’est qui je suis. Et je me dirai que peut-être ils remarqueront qu’ils m’oublient chaque année.
J’ai maintenant 38 ans. J’ai toujours mes pouvoirs magiques. Et c’est tout ce qui compte.
Reprenons depuis le début. Mais qui suis-je ? Et où est-on ?
J’ai commencé à bloguer quelque part au début de l’année 2004. Mon premier blog s’appelait Etoile Noire. C’était un essai de journal intime. Je testais simplement l’écriture en ligne.
L’essai étant concluant, je fis évoluer le blog quelques mois plus tard. J’étais devenu Czech-Boy, en référence à l’amour de ma vie d’alors, Pavel Novotny. J’adorais l’orthographe et la sonorité de ce mot anglais czech. Là encore, il s’agissait d’un journal intime en ligne. On pouvait y découvrir mes journées insipides et mes peines de coeur nazes. J’y consignais tout.
Un beau jour, j’ai découvert le blog d’un garçon du sud-ouest. On the Living-Road. Et j’adorais ce qu’il écrivait. Il avait un bon style et il était beau. Alors, forcément. Nous avons commencé à échanger puis nous sommes sortis ensemble.
Avec lui, je mettais un premier pas dans le monde des blogs. C’était très enrichissant. Il y avait comme une euphorie de créativité. Je dirais avec le recul que nous étions comme ces influenceurs d’instagram d’aujourd’hui (toute proportion gardée pour moi notamment qui était moins connu que lui).
Bien que séparés par la suite, nous avons continué à développer nos blogs jusqu’en 2006.
Là, j’ai crée Beur-Boy. Le défouloir d’un garçon de banlieue, arabe, gay et quelque peu émoustillé. J’y postais des photos de mecs, j’y parlais porno et Beyoncé; j’avais complètement gommé ce côté journal intime. A vrai dire, j’avais toujours voulu travailler dans un magazine, alors j’ai fait comme si.
Mais chassez le naturel, il revient en bloguant.
En 2007, j’ai recommencé à écrire, toujours émoustillé certes, mais de façon plus personnelle. Et c’est ainsi qu’est né ce blog. Celui-là même sur lequel j’écris aujourd’hui.
Alors bien sûr en treize années, je lui ai fait quelques infidélités. Mais j’y suis toujours revenu.
Je ne m’attendais pas à ce que Beur-Boy soit suivi ni lu. Et, j’ai eu beaucoup de mal à l’assumer. Il y avait toujours une nuance entre qui j’étais réellement et ce qui en était transposé.
Là encore le blog m’a permis de rencontrer des personnes. Et j’ai vécu deux années absolument incroyables, faites de rencontres, de soirées et d’amour. Je me souviens qu’à l’époque j’avais eu l’impression d’entrer dans Queer as Folk.
En Avril 2009, après une rupture, je disparais.
Grand amateur des retournements de situation rocambolesques à la Vengeance aux deux visages, je prends un nouveau pseudo et blogue ailleurs. Je me dis amnésique pour repartir de zéro.
C’est ainsi qu’est né Oslo Ohara. Mon Dieu que j’aime ce pseudo. Plus facile à assumer. Moins sulfureux. Plus moi.
Moi, le coeur brisé évidemment. Par le garçon en question mais aussi par Les Garçons, le groupe de garçons, tous blogueurs que j’aimais énormément.
Je suis assez vite repéré, mais je me remets de cette peine de coeur et reviens à Beur-Boy en 2010. Si amoureusement, tout se passe pour le mieux. Amireusement, non. Je finis par rompre à nouveau avec un groupe de Garçons. Ceux-là même qui m’avaient recueilli.
Cela donne de la matière au blog bien évidemment. Mais je finis par avoir envie d’autre chose.
2012. La partie créative du cerveau en ébullition, je crée James & les Hologrammes. L’un de mes billets sur le Mariage pour tous est alors partagé partout. Je suis d’abord ravi de l’agitation avant d’être terrorisé à l’idée que cela se reproduise. Je suis depuis lors, effrayé par la viralité.
J’aimais bien ce blog. J’adorais son titre. J’y blogue puis m’y fais plus rare. Comme j’avais pris l’habitude de me servir du négatif pour écrire, j’étais coincé. Il n’y avait plus matière à épanchements. J’avais évolué. Plus de groupe de garçons pour me décevoir, juste Kévin Bacon, mes ami.es de longue date et moi. La sérénité.
2016. Je reviens ici pour retenter d’écrire. Mais ça ne prend pas. Et il faudra attendre deux ans pour que je reprenne sérieusement.
***
Je blogue parce que j’adore écrire. Raconter des histoires. Et dessiner les mots. Je rêvais plus jeune d’être écrivain ou journaliste.
Le blog me permet de garder un lien avec mes moi-s d’alors. Comme des passerelles avec le passé. Et surtout un moyen de contrôler mon hypermnésie qui peut m’être douloureuse par moments.
Mes archives sont fermées. J’hésite toujours autant à les rouvrir. Mais mes différentes incarnations me sont toujours accessibles. Elles sont perdues dans l’immensité d’internet mais j’ai toujours un atlas pour les retrouver.
Avec ce billet, je voudrais remercier toutes celles et ceux qui ont un jour lu ce blog. Ceux qui sont toujours là. Et ceux qui arriveront.
Nous vivons un moment particulier où j’aime à penser qu’il y aura un mouvement parmi les blogueurs. La mort de FB, la violence de Twitter, la superficialité d’IG finiront peut-être par pousser de nouvelles personnes à bloguer. Ou tout simplement à rechercher de nouvelles histoires.
Quoi qu’il arrive, je continuerai à raconter les miennes.